L’ÉVOLUTION DU JAZZ

Le jazz est une culture. Il faut le vivre pour le comprendre. Il devient un caractère propre et particulier à chaque musicien de jazz. Il est plus qu’une expression, il évoque un sentiment, un caractère unique qui dégage chez le musicien un grand sens de la spontanéité.  Le jazz est une façon de penser, même de vivre.  

Le jazz est en constante évolution, les modèles évoluent. Les musiciens apportent des structures qui ne cessent de faire du jazz une musique en constante évolution. Le jazz restera toujours une forme de musique vivante qui traversera le temps en toute confidence. Il créa tout aussi bien ses écoles de pensée. Cette forme de musique sollicite du musicien un grand flegme de son art. Cette sérénité vient d’abord de l’habilité du musicien de son instrument mais, bien plus de sa maîtrise de l’harmonie jazz. Il implique chez le musicien un sentiment de spontanéité dans ses réflexions. En improvisation, le musicien ramène à la surface ses émotions sans faire de compromis. On peut comprendre tout son gestuel dans sa démarche. Les mimiques du visage en disent long sur son extrême concentration. Chaque musicien exprime ses propres mouvements gestuels et, cela représente sa marque personnelle et son identité scénique et mentale.

Tendance – Culture – Passion…Le Jazz

Le jazz représente une expression, un sentiment par lequel le musicien s’extériorise. Dans le jazz on découvre une manière propre et personnelle à nous de faire la rencontre de nos émotions cachées et inconnues.  Le jazz nous permet de nous découvrir sous des angles que jamais nous ne saurions nous voir de toute notre existence. En pratiquant cette forme de musique qu’est le jazz, nous découvrons que notre curiosité est portée pour un tas de choses.  Le moindre élément de la vie devient un champ d’intérêt qui nous inspire.  Nous sommes des satellites possédant des antennes qui captent ce qui se passent autour de nous.  L’improvisateur crée sa bulle pour sortir du monde extérieur et dégage tout ce qui est de meilleur chez lui pour communiquer avec son auditoire.  Seul lui peut ressentir de son auditoire, dans ce privilège cette communication qui s’installe aux regards des dieux de l’invisible.  Son corps est bien présent mais, son âme voyage à travers le corps de chacun pour enfin toucher à l’extase de leur émotion.  Ce moment est fidèle à chacun de nous et même personnel.  On n’a pas tous le même « feeling » de ce moment.  Certains voyagent complètement dans leur pensée, d’autres se sentent en dehors de leur corps et certains ont même l’impression de changer de planète.  Au moment où l’improvisateur finit sa communication, à la seconde près, les applaudissements pleuvent.  Le retour de ce grand voyage aboutit dans un sentiment de repos, dans un lieu où le mot guerre, misère, politique, richesse, pouvoir, domination… n’existe point.  Dans cet instant, on peut voir l’amour dans les yeux et dans le cœur des gens.  Les gens se côtoient sans aucune distinction eut égard à la couleur, à la race, du sexe, etc. Le monde devient jazz. Il n’y a qu’un seul langage et tous peuvent le comprendre : Le jazz

L’élément magique reste toujours inconnu dans une improvisation.  D’un soir à l’autre, jamais on ne ressentira la même chose. Pourquoi est-il différent? Personne n’a et n’aura jamais la réponse exacte.  L’improvisateur lui-même ne peut prévoir de quelle manière il abordera son public et inversement, le public ne peut jamais savoir à quoi s’y attendre.  C’est un monde parfaitement inconnu dans lequel tout le monde nage.  La question qu’il faut se poser : Peut-on, ou doit-on juger une improvisation?  Puisque l’on sait déjà que celle-ci va être pertinemment différente d’un moment à un autre et qu’elle découle de l’humeur de l’improvisateur, de ce qu’il a vécu même durant le jour ou, justement avant qu’il débute son improvisation.  Tout peut lui déranger, ou changer sa conception.  On peut toutefois être déçu de nos attentes et non de l’improvisateur.  Une note par mesure peut être pour lui d’une importance capitale, alors que vous vous attendiez à 16 notes par mesure.  Il ralentit vos attentes et vous met en position lente.  Ce que vous avez vécu durant la journée ne vous permet surement pas d’être au même diapason. Certaine fois, vous croyez qu’il dialogue trop vite. Il arrive que l’on ne fasse pas partie du voyage tout en restant inerte à ce sentiment.  En regardant un voisin en état euphorique, on peut se demander si on écoute la même chose.  Probablement non.  Ce qui touche cette personne davantage que vous, c’est l’interprétation qu’elle a faite de ce moment, de cette communication.  L’improvisateur raconte une histoire qui est libre à chacun d’interpréter, comprendre et recevoir à sa manière.  Cette sensibilité vient chercher quelqu’un d’une manière différente parce que sa réceptivité est différente du vôtre. Beaucoup des choses peuvent affecter notre réceptivité, de telle sorte, dans une même journée on peut avoir des sottes d’humeur, du fait de ce qu’on mange, boit et respire.  Certains jours, on n’est plus réceptif, alors que d’autres jours, on est à fleur de peau, tout peut nous affecter. Un simple bonjour devient une insulte, alors qu’un autre jour, l’insulte même est une affaire banale.  Et ce même jour, on peut s’apercevoir entrain de pleurer en écoutant une musique ou une improvisation.  La musique nous rappelle souvent les faits vécus.  Ce qui semble important pour l’improvisateur, ce n’est pas de connaître notre état d’âme mais, d’aller à sa rencontre pour lui proposer un voyage à travers un espace infiniment petit et inconnu. 

Une autre question se pose : L’improvisateur peut-il être conscient de là il nous amène?  Il n’a aucun contrôle si on résiste à ce voyage. Tout se passe dans sa tête, son thème est établi et il procède par des variations mélodiques et rythmiques pour entrer dans un espace qui l’amène vers l’inconnu, un dialogue, une histoire. À ce moment, le son prend son ampleur, j’entends par ici la couleur, ce timbre qu’il dégage, devient l’élément déclencheur de nos sentiments et émotions.  Une chose est certaine, on est tous dans le même navire mais pas au même niveau.  Chacun porte en lui sa petite vague de bonheur.   Notre compréhension du jazz joue d’une énorme importance.  On n’aime un musicien parce qu’on a le sentiment qu’il nous fait voyager d’un océan à l’autre et qu’il dérange constamment notre prévisibilité. Le bon improvisateur ne cherche pas à impressionner, mais à établir une conversation, dans laquelle il introduit le sujet, il développe et finalise son sujet. 

Ceci en revanche l’improvisateur ne cherchera pas à établir un modèle d’improvisation, mais bien un concept qui rejoint son auditoire, car il a une histoire à conter.  C’est ainsi qu’il fait montre de son empreinte personnelle.  Il devient unique en son genre en changeant de verbe constamment pour dire son histoire. C’est là tout son intérêt de nous embarquer dans son jeu.  Ce que nous recherchons chez l’improvisateur en tant qu’auditoire, est bien sa spontanéité.  Il a aussi un langage propre en lui-même qu’il faut apprendre ou apprivoiser pour le comprendre.  Il apprend à travailler autour d’un thème en amenant des variations secondaires pour élargir l’idée principale.  En quelque sorte, l’improvisateur disserte sur un thème avec un début, un milieu et une conclusion.  C’est-à-dire le thème, le développement et la fin.  Toute la difficulté se trouve dans l’établissement du thème principal et ensuite dans la façon de raconter l’histoire.  Si l’improvisateur fait une mauvaise analyse de son thème, il risque de nous amener complètement ailleurs.  Il doit être patient dans son jeu, une trop grande précipitation pour entrer dans le développement du sujet risque de tuer le thème principal.  Il dérangera le sentiment que son auditoire commençait à établir avec lui.  Il n’attendra pas les passagers qui restent en dehors du navire.  Ainsi il travaille sur la rythmique et la mélodie à la fois pour coordonner le tout.  Ce qui peut faire la différence dans la stabilisation d’une bonne improvisation, est le côté technique et la maîtrise que peut faire l’improvisateur de son instrument.  Cette facette empêche considérablement l’instrumentiste de s’exprimer avec liberté mais aussi, de s’extérioriser de façon complète et absolue. Le manque de technique exprime un manque de vocabulaire pour s’exprimer avec aisance. Il manquera un peu d’éloquence dans son jeu. Un bon improvisateur ne doit pas se préoccuper de sa technique, celle-ci est naturelle et évidente. 

Le musicien ne peut construire un bon discours s’il faut chercher ses mots, ou s’il doit se chercher dans ses propres phrases. Beaucoup de musiciens souffrent de cette frustration.  Ce qui la différence entre les improvisateurs est leur empreinte personnelle, c’est-à-dire leur façon d’exposer leur sujet, la couleur, le son mais aussi, la maîtrise qu’ils ont de leur instrument et de l’harmonie. Si on pas de technique, on ne peut simplement pas jouer, celle-ci permet au musicien d’avoir une grande aisance de son instrument. La couleur et le son viennent tout aussi de la technique. L’autre phase de l’improvisation est la maîtrise du musicien de l’harmonie, sa capacité extraordinaire de faire une bonne analyse de l’harmonie musicale. Celle-ci en elle-même, représente la clé, le point fort de toute improvisation.  Le musicien est en mesure de faire un développement rythmique diversifié pour enlever la monotonie de son jeu, il se doit d’ajuster sa technique avec sa compréhension du rythme et de l’harmonie. Celle-ci est le verbe tandis que la technique représente les mots. La maîtrise du verbe est d’autant importante qu’il puisse nous empêcher de parler, de bien communiquer nos idées. John Coltrane a dit « Si la musique n’arrive pas à s’exprimer elle-même, les n’auront aucune importance » Quand on a un verbe court, le jeu devient vite stagnant et ennuyé. La grande maîtrise de l’harmonie peut compenser pour l’improvisateur expérimenté qui manque un peu de technique de son instrument. Ce qui rend une improvisation efficace est d’abord la couleur du jeu. Il ne faut pas penser que la technique de l’instrument veuille prétendre celui qui peut jouer vite, ce serait une erreur. La technique est essentielle, parce qu’elle permet à l’instrument de pouvoir prendre son temps pour s’exprimer et de verbaliser sa pensée plus profondément. La vitesse ne s’exprime pas en intelligence, ni en la capacité de bien jouer, elle représente souvent l’échec de plusieurs musiciens.

L’improvisation est un long processus qui s’apprend, on ne s’impose pas sur cette règle sans l’avoir apprise, cette démarche demande du temps pour l’apprivoiser. C’est une forme de discours qui possède des règles dans son application. Il ne suffira pas de considérer une progression d’accords pour prétendre improviser, il est plutôt question de savoir exprimer une idée jusqu’au bout qui représente non seulement une image, mais qui rejoint l’auditoire, le cœur des gens. On comprend fort bien le discours des grands improvisateurs comme Miles Davis, Wes Montgomery, John Coltrane, Dizzy Gillespie, Stan Getz, Louis Armstrong, Charlie Parker, Duke Ellington, j’en passe.  Les grands improvisateurs utilisent souvent l’improvisation sous forme de questions-réponses, évidemment ils établissent leur thème ou discours avec une grande logique, évitant d’employer trop de mots pour ne dire que peu. D’où l’importance d’établir et de suivre une bonne démarche. Certaines gens croient trop facilement que l’improvisateur est excellent parce qu’il peut jouer vite en effectuant plusieurs notes dans une mesure, c’est une erreur fondamentale que de croire à cela. Cela peut être même une façon de camoufler son jeu par un manque de verbe. Il en est de même pour des gens qui parlent beaucoup pour ne rien dire. L’improvisateur ne doit pas chercher à flatter son auditoire de façon dérisoire, il doit faire montre d’un grand respect à son égard.  Sa préparation doit être remarquable, sa crédibilité est en jeu.

JAZZ ET CONNAISSANCES

Le jazz est une forme de musique qui s’apprend comme bien d’autres formes de musique. Beaucoup des gens pensent quand il s’agit du jazz, on a qu’à improviser et ça y est.  Le jazz demande des connaissances parfaites pour maîtriser cet art. Je ne vous apprendrai pas que l’improvisation en elle-même est une démarche très complexe. J’entends par improvisation non seulement les connaissances de l’harmonie et du rythme, mais cette quête de spiritualité musicale qui dépasse certainement le niveau normal de la compréhension, mais aussi fait place à la virtuosité et du génie du musicien. Il ne peut exister une seule façon d’improvisation, comme il n’existe pas une seule manière de dire une chose. IL n’y a pas de mauvais choix de notes nécessairement, il ‘n’y a que la logique de la pensée et du respect de la démarche. 

L’improvisation consiste d’abord en une capacité de faire une analyse d’une pièce musicale sur le plan harmonique. L’harmonie en elle-même est assez complexe dont la maîtrise exige des études sérieuses. Elle a ses règles propres qui diffèrent de celles de la musique classique, parce que la permissivité est beaucoup plus large. Le « feeling» ne suffit pas pour être un grand improvisateur, cela requiert des années d’expériences pour maîtriser cet art. On ne s’improvise pas improvisateur du jour au lendemain. Le développement de l’oreille est fondamental dans cette démarche, l’oreille entend des choses que d’autres n’entendent pas. C’est ce qui dépasse les limites de nos connaissances. L’improvisateur s’engage dans cette voie pour définir une empreinte personnelle qui répond aux exigences de l’art. Le musicien doit constamment avoir quelque à exprimer pour rendre son message, sinon tout peut être flou. L’improvisateur certes, peut s’exprimer pour ne rien dire comme le font bien des gens. On conviendrait qu’il existe bien de façon pour dire une chose, mais il existe un art de bien le dire. Le musicien doit être concis et clair dans da son message, ce que l’auditoire apprécie c’est la finalité de la pensée et non les règles qui définissent cette pensée qu’il ignore. Le musicien doit faire des choix de mots simples qui rendent sa phrase accessible à l’auditoire. C’est que le vocabulaire devient important. De grands compositeurs l’ont déjà dit « Jouer vite est un défaut. » Certainement, surtout quand on ne peut définir sa pensée, on joue vite pour camoufler son manque de vocabulaire. Il faut jouer pour sentir les notes avant qu’elles n’arrivent aux doigts, il faut vivre la spiritualité du moment pour rendre son message.

Le jazz ne saurait être aussi simple que certains le croient, Il ne s’agit non plus de croire que son approche est difficile, mais il existe des formes très complexes dans ce style de musique. Il exige un grand sens du rythme et une grande capacité de l’image, la forme et de visualisation. Pour l’improvisateur toutes les cellules du cerveau doivent fonctionner pour répondre à sa capacité de faire des choix rapides tout au long de son improvisation. Il est un ingénieur qui construit son plan sur lequel il base son improvisation. Il suit son plan qui est en quelque sorte sa base harmonique pour s’assurer que la structure de sa maison soit conforme aux normes qu’il s’est fixé, un engagement de performance, de structure et de rigueur. Ces normes harmoniques sont basées sur le choix et la structure des accords. À travers tout cela, il existe la chose la plus importante à considérer: Le sentiment, l’émotion du musicien.